Une vie, d'un défi à l'autre
Tel est le titre de la dernière version des Mémoires de Bernard PUEPI, parus chez un éditeur parisien en 2019.
Un titre suffisamment évocateur de la personnalité et de la trajectoire de celui que j’ai eu la joie d’apprendre à connaitre, en si peu de temps !
Notre première rencontre a lieu le 15 décembre 2015 au Centre Sèvres à Paris, au cours d’une conférence de l’Institut Afrique Monde (IAM) dont nous sommes tous les deux membres.
Bernard, de passage en France, présente en fin de conférence, un certain nombre de ses ouvrages dont ma curiosité me pousse à aller découvrir les titres sur le stand. Je suis chaleureusement et fort courtoisement accueilli par l’auteur : mon intérêt immédiat pour ses publications s’aiguise, d’autant plus que les thèmes abordés sont d’actualité au Cameroun dont nous sommes tous les deux originaires. Une correspondance régulière s’établit alors entre tous les deux dès les jours qui vont suivre, facilitée en partie par le Père Denis MAUGENEST, jusqu’à mon retour au pays natal quelques longs mois plus tard.
Attentif et d’une prévenance toute particulière à mon égard, il me reçoit à plusieurs reprises à sa résidence du cinquième arrondissement de Yaoundé, me rassurant, quant à mes premières inquiétudes sur les réalités de contexte que je découvre progressivement. Dans la pudeur qui lui va comme un gant, il m’annonce être grandement investi dans l’atelier d’écriture de la version consolidée de ses Mémoires, dont il m’invite d’ailleurs à devenir un des relecteurs. Je ne mesure pas immédiatement la signification de sa demande, que j’accepte volontiers, dans un enthousiasme de bon aloi. Commence alors entre Bernard et moi-même, un cheminement édifiant, d’une intensité dont je ne mesure toujours pas aujourd’hui toute l’ampleur.
Bernard m’ouvrira son cœur en me racontant son histoire de vie, des sentiers de Bayangam (son village natal à l’ouest du Cameroun) aux collines de Yaoundé, en passant par le quartier New Bell à Douala où il réside adolescent ; son rapide passage à l’université de Yaoundé après l’obtention de son baccalauréat ; sa formation de géomètre à Toulouse et en banlieue parisienne ; le déroulement de toute sa carrière de fonctionnaire et de consultant au Cameroun. Il deviendra aussi ma page d’histoire du Cameroun, disponible et accessible à mes nombreuses interrogations, qui transformeront tout simplement nos rendez-vous de travail en conversations sur (et de) la vie, avec l’amusement et la bienveillante complicité de son épouse, "Mama" Julienne.
J’ai rencontré un homme de rigueur, un homme doué d’une extraordinaire capacité d’écoute, d’analyse et de prospective, qui l’a conduit à mettre prématurément un terme à sa carrière de haut fonctionnaire, dès lors que les contraintes situationnelles de son époque ne lui ont plus permis de servir l’Etat avec loyauté et dignité.
Il va s’engager ensuite dans les chemins escarpés de la politique, dans un environnement peu propice à l’émergence de personnalités indépendantes et fortes d’esprit. Il s’aura s’en rendre compte suffisamment à temps, lui qui n’a jamais été un homme d’appareil, pour réorienter ses projections, en créant la Maison des Arts et de la Culture Yogam (MACY), un centre culturel intégré et d’excellence récemment ouvert, dans ses terres de Bayangam, dont je fais partie du conseil d’administration.
C’était Bernard, un homme de rupture mais de continuité, qui, disait-il lui-même, avait beaucoup reçu de la vie.
Il aura été un homme de cœur, humble, généreux et réservé.
Il aura été un homme de projet, tourné vers les autres.
Il aura été enfin un homme de responsabilité et de combat, doué d’une grande intelligence des situations, tirée de son expérience de la vie.
Bernard, tu ne manquais pas de prendre régulièrement de mes nouvelles, pour m’accompagner, à ta manière, dans mon processus de réinstallation au Cameroun.
Tes appels téléphoniques me feront défaut.
Tu ne t’arrêteras plus en voiture devant mon portail à ton retour de la messe matinale de l’église de la paroisse Saint Pierre de Kong tenue par les spiritains, pour venir me chercher, afin que nous allions prendre le petit déjeuner dans ton pavillon, en relisant et refaisant avec entrain l’actualité camerounaise et celle du reste du monde.
Tu ne me rappelleras plus la nécessité d’un plus grand investissement de ma part dans l’IAM, dont tu étais un fervent militant de l’installation progressive en Afrique.
Dans le contexte trouble qui est le nôtre et celui du monde, tu as été et demeureras un modèle d’honnêteté, de travail et de courage pour tous ceux qui t’ont rencontré et connu.
Pour le peu de temps qu’aura duré notre parcours ensemble (quarante-huit mois environ), tu as su incarner, à mon humble avis, les vertus d’un homme accompli.
Tu viens de passer du défi de la Vie à celui de l'éternité, après t’être battu courageusement et avec foi, dans la discrétion de ta manière d’être et d’agir.
Va, repose en paix !
Germain-Hervé MBIA YEBEGA
This is my second time reading from this blog and it just gets better and better.
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