L’année 2015 s’est ouverte, comme nous le savons, sur des événements mettant en cause jusqu’en Europe les ‘forces religieuses’ qui sont à l’œuvre dans toutes les sociétés quel que soit leur degré dit de ‘sécularisation’, c’est-à-dire de distanciation entre l’action et le gouvernement politique d’une part, et les diverses expressions de foi religieuse d’autre part. Assez maladroitement, le 23 février dernier, le président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France), Roger Cukierman, affirmait sur Europe 1: « Toutes les violences aujourd’hui sont commises par des jeunes musulmans », conduisant par ces propos ciblés le président de l’Observatoire national contre l’islamophobie, et membre du CFCM (Comité français du culte musulman), Abdallah Zekri, à boycotter l’invitation annuelle du Crif et à demander à Roger Cukierman de présenter des « excuses publiques ». Le Président français François Hollande a eu l’heureuse initiative de réunir, dès le lendemain matin, l’une et l’autre parties les priant de ne pas nourrir une polémique nuisible au rassemblement de tous les Français. Le recteur de la grande mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, a pu déclarer ensuite à la presse : « Nous avons voulu apporter l’apaisement nécessaire afin que les fidèles de nos deux communautés puissent à nouveau partager le principe de la convivialité et du vivre-ensemble », tout en soulignant « la peine des musulmans de France qui ont souffert des mots prononcés. »
Le président du Crif a bien voulu concéder : « Nous savons l’un et l’autre que nous sommes sur le même bateau et nous devons nous unir… Oui, nous menons ensemble ce même combat…« , les attentats de Paris ayant été « commis par des hommes sans doute complètement détournés des valeurs réelles du Coran. »
L’incident mérite d’être médité : les propos évoquent la fureur qui peut s’emparer des uns comme des autres dès lors que des paroles s’en prennent à leurs convictions – idéologiques, culturelles ou religieuses ; tous peuvent alors devenir furieux, capables de ‘furie’ pouvant conduire au crime. Les convictions ne supportent pas d’être maltraitées, et ceux qui en vivent sont prêts à se venger de ce qu’ils considèrent comme des insultes. Il importe également d’évoquer la question du sens du sacré, ne supportant quant à lui aucune profanation à son endroit : les crimes sont appelés ‘blasphèmes’, les criminels ‘hérétiques’ et sont sanctionnés par les autorités religieuses concernées (fatwas…).
Notre atelier pourra réfléchir utilement sur le caractère plus ou moins ‘absolu’ de nos convictions et de leur inscription dans l’espace public et ‘politique’ – de la cité (πολις) – où nous avons à vivre ensemble dans la paix.
Ce quatrième billet nous propose d’explorer les voies de la bouddhéité, dont chacun est invité par le Siddhartha Gautama, Sage des Sakyas (Sakyasmuni), à s’approprier les traits qui font l’Homme achevé et parvenant au Nirvana…
Comme sans doute la plupart des humains, je n’ai personnellement jamais été insensible à la manière dont le bouddhisme se présente à l’opinion publique la plus universelle, à travers les statues de Bouddha lui-même ou des bodhisattvas qui sont sur le chemin de leur Maître. S’il fallait jadis aller ordinairement assez loin – en Asie ! – pour les rencontrer, les contempler et éprouver les satisfactions que peut donner leur vision d’une sagesse calme, tranquille et souriante, il n’est plus besoin aujourd’hui de franchir des espaces géographiques considérables : l’exposition coloniale de 1931 a été l’occasion de créer à Paris la grande pagode de Vincennes et les pagodes font aujourd’hui partie de tous les paysages européens ; leur fréquentation est notable et elles se proposent aux visiteurs comme lieux de formation à la Sagesse. En France, l’Union bouddhiste de France rassemble depuis 1986 dix congrégations de la tradition tibétaine; elle en est l’interlocuteur auprès des pouvoirs publics. L’Université bouddhique européenne a été créée à Paris en 1996, devenue en 2012 l’Institut d’études bouddhiques.
Mais c’est aussi en Afrique que le bouddhisme s’implante et se répand sous toutes ses formes comme j’ai pu en faire moi-même l’expérience inattendue. Ayant à recruter un collaborateur en Côte d’Ivoire pour une œuvre universitaire d’inspiration chrétienne, la personne retenue eut le scrupule, au moment de finaliser le contrat, de me confier qu’elle-même n’était plus chrétienne comme elle avait pu l’être par baptême et pratique quelque temps, mais qu’elle avait désormais choisi la voie du bouddhisme qui lui parlait davantage; elle était devenue membre de la Soka Gakkaï Internationale se prévalant de quelques vingt mille membres en Côte d’Ivoire et y publiant régulièrement un mensuel – Vagues de Paix – dont un exemplaire m’était offert : Paroles d’Or de mon maître, celui-ci étant Daisaku Ikeda figurant sur la couverture en conversation avec Nelson Mandela, ex-président d’Afrique du Sud. Depuis lors j’ai pu avoir entre les mains l’ouvrage d’un autre bouddhiste de la même association, Cyrille Zounon, publié sous le titre Vivre ensemble au-delà des religions, et j’apprenais qu’un enseignement sur le bouddhisme avait été donné avec un certain succès à de jeunes étudiants en théologie chrétienne.
On peut lire dans un article de l’Institut d’études bouddhiques de Paris : « Quand on évoque la diffusion du bouddhisme à travers le monde, on pense rarement à l’Afrique… On pouvait se douter qu’un Etat aussi ‘occidental’ que l’Afrique-du-Sud avait suivi le même chemin que l’Europe ou l’Amérique-du-Nord ; à lui seul, on y trouve 32 centres sur les 54 qu’on peut actuellement recenser sur l’ensemble du continent… et les mêmes courants que ceux implantés en Europe : 9 centres bouddhistes tibétains, 6 centres Zen relevant de la tradition coréenne ‘moderne’ Kwan-Um, 6 centres du Theravâda d’origine birmane, 1 centre de l’Ordre de l’Inter-être du maître vietnamien Thich Nhat Hanh, 2 centres de la ‘Nouvelle Religion Japonaise’ Soka-Gakkai (implantée au Ghana, au Mali et en Côte d’Ivoire), et même 1 centre du « Friends of the Western Buddhist Order » d’origine anglaise… La palme du succès revient pourtant à une école assez méconnue sous nos latitudes : le Fo Guan Shan, une école récente du bouddhisme chinois, dont le siège se trouve à Taïwan… Comme dans l’hémisphère nord, le bouddhisme s’implante en Afrique surtout à travers des formes ‘modernes’ et volontiers prosélytes… Moins inattendue, l’Association Zen Internationale, fondée en France par le maître japonais Deshimaru, est présente dans plusieurs pays de langue française : Maroc, Cameroun, Côte d’Ivoire et Burkina-Faso, mais aussi au Kenya anglophone… Plus surprenant, en revanche, la présence du Theravâda qui totalise à lui seul 12 centres et se trouve ainsi en tête du palmarès sur le continent tout entier ! »
Né en Inde au VIe siècle av. J.-C. le bouddhisme est fondé sur les « Trois Joyaux » que constituent :
- le Bouddha, personnalité commune à tous les Éveilles. Le premier est Siddhārtha Gautama, dit Shakyamuni (le ‘Sage des Sakyas’), né à Lumbini (Népal) en 624 avant JC, atteignant le plein Éveil de toutes ses capacités spirituelles, et mort en 544, considéré comme fondateur du bouddhisme dont l’année -543 est considérée comme la première année. Bouddha n’est pas d’essence divine. Il n’est ni une incarnation du dieu indien Vishnou, ni un sauveur qui se sacrifie librement pour la salut des autres, mais un Maître exhortant ses disciples à ne compter que sur eux-mêmes, insistant sur leur responsabilité individuelle et leurs efforts personnels, ne cherchant quelque refuge nulle part ailleurs.
- le Dharma, ensemble des enseignements du Bouddha consignés par écrit, au Sri Lanka surtout, par les successeurs du Bouddha historique.
- le Sangha, communauté des adeptes sur le chemin de l’Éveil et du Nirvāna.
Entrer dans l’esprit de bouddhéité suppose entrer dans l’intelligence fondamentale des 4 nobles vérités :
- La souffrance est universelle et consiste en l’insatisfaction inhérente à notre condition actuelle.
- Elle est engendrée par la multiplication des désirs, l’attachement obsessionnel, et par notre ignorance.
- Mais l’homme a la possibilité de mettre fin à la souffrance et de l’éliminer (Nibbana).
- Le chemin en est la voie moyenne de l’équilibre sur le « noble sentier octuple » permettant d’exercer la vision juste, le discernement juste, la parole juste, l’action juste, les moyens d’existence juste, l’effort juste, l’attention juste et la concentration juste afin d’atteindre, progressivement, au terme de cet ‘éveil’, l’illumination du nirvana. Celle-ci suppose la totale libération du karma propre à chacun (qui le crée par son agir, que ce soit avec le corps, la parole, la pensée ou l’esprit, et est en son essence favorable ou défavorable, positif ou négatif) au terme de renaissances provisoires dans le cycle des transmigrations (samsara). Pour ce faire, il n’est que de méditer, par de simples exercices élémentaires depuis ceux de la respiration jusqu’à ceux autrement complexes de la compassion afin de vivre la « pleine conscience et la sérénité de l’instant » en toutes circonstances…
Mais trois poisons font face aux trois joyaux : l’avidité (ou la soif), la colère (ou l’aversion), l’ignorance (ou l’indifférence). Jalousie et orgueil en font également partie. L’ignorance étant la cause intellectuelle de la souffrance, la première étape pour s’en libérer consiste donc, dans l’expérience que chacun fait de sa vie, à contrôler son propre esprit en ayant foi dans l’enseignement du Bouddha et avec confiance en soi. Et tout être humain étant souffrant, il importe en second lieu d’éprouver de la compassion pour toutes les créatures.
Le bouddhisme repose sur deux formes principales de connaissance. L’une est certes la compréhension intellectuelle à travers l’étude rigoureuse de questions philosophiques en faisant usage de la logique et du raisonnement; il est important de consolider la qualité de l’esprit par cette étude et les connaissances qu’elle permet d’acquérir. Néanmoins cette forme de connaissance est limitée, et ne permet pas, à elle seule, d’atteindre la sagesse authentique de l’accomplissement de soi, seconde forme de connaissance. Cet accomplissement relève de l’esprit d’éveil – ou esprit de vérité et d’illumination – et pourrait être décrit comme une forme de connaissance supérieure à la connaissance ordinaire, un accomplissement de la nature fondamentale de l’esprit inhérent à tout être humain qui progresse par la méditation, vers une omniscience totale ou encore l’apprentissage de la pleine conscience, du calme intérieur, de la sérénité de l’instant, de l’amour altruiste, de la vision pénétrante… Ces enseignements classiques, de portée spirituelle plutôt que philosophique, ont été au départ de nombreuses traditions philosophiques et religieuses qui ont hier « conquis » toute l’Asie, du Japon jusqu’à l’Afghanistan, y intégrant et/ou adaptant chacune des cultures rencontrées : theravada ou hinayana (petit véhicule), mahayana (grand véhicule), nichiren (dont soka gakkaï), vajrayana (tantrique)… et conquièrent aujourd’hui l’Europe, les Amériques, l’Afrique. En annexe, on peut lire la Charte par laquelle la Soka Gakkaï internationale complète sa mission proprement éducative par un Mouvement international pour la paix.
Denis Maugenest
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Téléchargez en annexe la charte de la Soka Gakkai internationale.
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